Je
me demandais l’autre jour pourquoi j’avais voulu faire du théâtre. Bien sûr, je
sais que l’envie m’a notamment été donnée lorsque je me suis rendu aux journées
portes ouvertes du lycée, où les profs et quelques élèves présentaient l’option
autour d’informations et d’un training. L’idée me trottait déjà dans la tête …
et cela l’a confirmée. Mais la question en fait, c’est : qu’est-ce qui m’a
vraiment attiré ? Quel charme le théâtre opère-t-il sur moi pour me donner
à ce point envie d’en faire ?
J’ai
fait il y a longtemps une année de théâtre chez un particulier, une dame qui a
monté avec nous Azur et Asmar. Je ne
garde que peu de souvenirs de cette année là. Si ce n’est l’enthousiasme de
monter cette pièce. Le sentiment de cohésion, d’amitié avec le groupe. Et les
beaux décors qui avaient été créés ensemble avec son mari. Des décors peints
sur de grands panneaux.
Je
pense que c’est d’abord simplement le plaisir de la création. Le plaisir de
participer à une création artistique, de s’unir au reste du groupe pour donner
vie à une œuvre. Et le plaisir de raconter une histoire. Moi qui lis depuis
tout petit, qui ai à mon tour voulu raconter des histoires en écrivant et qui,
enfant, jouais aux Playmobil des heures pour raconter … c’est sans doute cela
aussi qui m’a motivé.
Mais
c’est aussi celui d’appartenir à un groupe. Retrouver les plaisirs de cette
seule et lointaine année de théâtre dont je garde étonnamment peu de souvenirs
et intégrer un groupe, créer des liens, créer ensemble, appartenir à quelque chose
dont je serais sans doute fier.
En
cherchant à décrypter cette attirance, c’est cela qui est sorti …
Mais
ce que j’ai découvert alors, c’est plus, bien plus que ce que j’imaginais.
Ma
première année de théâtre, c’était en facultatif. C’était avec quelques
secondes et des premières. C’était mes débuts et c’était encore timide,
hésitant, incertain. Mais c’était déjà le plaisir de jouer, l’adrénaline de la
représentation, c’était être ensemble, derrière le rideau, à attendre d’entrer
sur scène … à rentrer en soi et en son personnage. C’était déjà tout ça et
c’était bon et finir cette année a été un déchirement.
Alors
je me suis inscrit en spécialité théâtre. Et je garde de ces deux années un
souvenir rayonnant. Exagération, hyperbole ou juste un adjectif pour enrichir
ce texte ? Non. Je suis sincère. Parce que ces trois années de lycée ont
été intenses. Et parce que ces deux années de théâtre ont contribué à
m’épanouir. Et parce que cette dernière année a été rayonnante.

Le
théâtre c’est le corps. Le maîtriser, jouer avec, lui faire sentir l’émotion
pour qu’il l’exprime. Le théâtre redonne vie à notre corps et l’imprègne d’une
flamboyante énergie, d’une étonnante force dans la fragilité de sa sincérité.
Le théâtre est acteur au même titre que notre voix, les mots, les sentiments.
Le
théâtre c’est la voix. La porter pour
qu’elle déploie son immense richesse. Jouer d’elle comme d’un instrument.
Comprendre les nuances, les dissonances, les subtilités, sa mélodie, son
rythme. En faire son arme la plus puissante. Une arme d’une grande douceur. Le
plus grand atout du comédien, la voix l’éclaire de sa présence. Et quand elle
s’endort. Quand le silence vient l’habiter. Quand elle disparaît c’est sans
abandonner son intense pouvoir.
Le
théâtre c’est l’un et l’autre, l’un dans l’autre au service de l’émotion. La
pièce, le personnage. L’acteur. Corps et voix s’unissent dans l’interprétation
d’un texte. La tension des deux crée un univers propre à chaque personnage … et
à chaque comédien.
Je
ne crois pas que l’acteur disparaît dans le personnage. Chaque acteur donne au
personnage un fragment de ce qu’il est, s’en détache, l’arrache à lui-même avec
difficulté mais c’est un acte splendide. Et si peu facile. Là réside dans doute
le plus grand obstacle à la présence sur scène. Comment habiter un
personnage ? Comment lui donner vie ? Donne, acteur. Donne ce qu’il y
a en toi, ce que tu comprends du personnage, ce que tu veux transmettre, ce que
tu veux montrer de cet être de papier pour qu’il devienne être de chair et de
sang et de voix.
Ô
travail difficile. Talent encore si loin, j’ai l’impression, de mes quelques
prestations. Plus proche qu’avant sans doute, car je suis conscient de mon
évolution. Talent qui fait briller mes yeux de spectateur.
Car
j’ai découvert cette année. Ces trois ans. Des pièces de théâtre bouleversante,
éclatantes d’émotion et de sincérité. Des spectacles d’art de la piste
tourbillonnants et brillant de beauté. Des danseurs et danseuses ne faisant
plus qu’un avec leur corps, fougueux, doux, saisissants. J’ai découvert tant de
mondes, de pièces, de textes, de spectacles, d’univers différents. Tant de
prestations diverses, d’esthétiques variées, d’idées innombrables. J’ai
découvert l’art de la scénographie. Fascinant, passionnant, profond, infini.
J’ai découvert des métiers, des choses nouvelles, des ovnis spectaculaires.
J’ai
rencontré des artistes tous si différents et enrichissants. J’ai rencontré des
acteurs, des metteurs en scène, des artistes, j’ai parlé, discuté, échangé.
J’ai rencontré des gens formidables qui ont chacun éclairé le comédien et la
personne que je suis. Plus ou moins. Par leurs mots, leurs idées, leurs
créations.
Bien
sûr tout n’a pas été brillant et exceptionnel. Des spectacles m’ont déçu,
ennuyé, plus ou moins plu. Des personnes sont parfois moins accessibles,
disponibles, intéressantes. Des rencontres ont quitté ma mémoire sous l’épaisseur
de tout le reste.
Mais
ce qu’il ressort, c’est une image irisée, incandescente. Le bonheur d’avoir
vécu tout ça. Tant en si peu de temps. Comme un éblouissant et intense tunnel
par lequel j’aurais été happé et soudain soufflé.
Je
n’ai jamais regretté une seule fois les choix que j’ai faits dans mon
orientation au lycée. Je ne les regretterais jamais.
Et
finalement, je crois apercevoir ce qui m’a tant séduit dans le théâtre. Ce qui
m’attire. Ce qui est peut-être bien plus inaccessible que tout le reste. Et
pourtant si bon. Je ne connais pas de meilleur endroit qu’une salle de théâtre
pour le lâcher prise. Pour se laisser aller. Pour retrouver un sentiment perdu.
Celui de l’abandon. Des apparences, du sentiment de ridicule, des règles de la
société, l’abandon des rapports parfois maladroits et difficiles, l’abandon de
l’attention constante du jugement des autres. Le théâtre a beau avoir
parfois des ambitions réalistes, je suis sûr pourtant qu’il doit rester un
extraordinaire espace de vie hors du monde réel … ou en tout cas, comme le veut
si justement Joël Pommerat : « rendre le réel à un plus haut degré
d’intensité ».

Eternellement
lumineux et réconfortants sont les souvenirs que ces deux dernières années de
théâtre, un professeur et quinze jeunes comédiens gravent en moi.
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Waouh ! Magnifique ... Touchant ... Et sincère c'est certain <3